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« La langue catalane, un projet de société » (La Croix)

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Article publicat al bloc del Col.lectiu Emma

L’article « La langue catalane, un projet de société » paru dans le journal La Croix, édition du 10 janvier 2013, aborde avec objectivité et respect le point de vue de gens qui vivent en Catalogne à l’égard d’une question de brûlante actualité en Catalogne, laissant de côté les clichés habituels repris de la presse madrilène. Nous en recommandons la lecture.

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Interdit sous le franquisme, le catalan fait depuis quarante ans l’objet d’un travail de normalisation, mais ce pivot de l’identité catalane est aujourd’hui au cœur d’un différend avec le pouvoir central espagnol.

Ikea a franchi le pas du catalan en 2008. « On a mené une bataille de cinq ans sous forme de pression amicale pour obtenir l’édition catalane du catalogue ! se félicite Josep Anton Fernandez, l’un des responsables de l’ONG de défense du catalan « Plateforme pour la langue ». On essaie d’être originaux et sympathiques pour convaincre que le catalan est bon pour le business, car les consommateurs aiment les produits en catalan.»

Ce marché de 12 millions de personnes est numériquement plus important que celui de la Suède, ne manque pas de faire valoir l’association, qui œuvre pour le respect du statut de langue officielle du catalan et pour éradiquer la connotation de marginalité qui lui colle à la peau. «Il y a encore des secteurs, telles la justice ou l’administration, où le catalan n’a quasiment pas droit de cité. Seuls 14 % des jugements sont formulés en catalan, alors que tous les fonctionnaires ou presque le parlent», dénonce Josep Anton Fernandez en étalant devant lui la palette des guides bilingues où le catalan voisine avec le roumain ou l’arabe pour convaincre les nouveaux venus qu’il est une langue d’opportunités sociales et celle qui permet de développer un projet de vie en Catalogne. « Chacun peut garder son identité et sa culture, et en même temps faire partie d’une communauté », argumente-t-il.

UNE RÉGION DE BILINGUISME PARFAIT
Josep Anton Fernandez se prend comme exemple. Ses parents sont venus dans les années soixante de l’autre bout de l’Espagne pour chercher du travail dans la prospère Catalogne. Il a commencé à parler catalan à 14 ans. « En une trentaine d’années, un million de personnes ont migré de l’intérieur comme mes parents. Une large frange de la classe ouvrière parlait alors espagnol en Catalogne, tandis que la classe moyenne parlait, elle, catalan. La politique de brassage à l’école a été un succès », donne-t-il comme argument majeur de défense du catalan.

Gabriel Colomé, professeur de sciences politiques à l’université de Barcelone, abonde : « La Catalogne ne voulait surtout pas faire comme le Pays basque où coexistent deux communautés basque et espagnole. Elle a fait le choix d’un modèle de société, celui d’avoir un seul peuple grâce à l’école de l’intégration et à la politique de l’immersion linguistique pour éviter les ghettos espagnol et catalan et les risques inhérents de conflits sociaux. » Et l’universitaire d’ajouter : « Le bilinguisme fonctionne très bien, les gens passent sans cesse d’une langue à l’autre. »

Ahmed, un Marocain ayant acquis la nationalité canadienne qui vit à Barcelone, se reconnaît dans ce projet civique et non ethnique. À la maison, il parle français avec sa femme catalane, arabe à ses enfants, tandis que sa femme leur parle catalan. « Mes enfants ont trois nationalités. Je suis très marqué par cette façon de vivre, par cette façon de se réclamer de plusieurs mondes. C’est précisément ce que veulent les Catalans. Je partage leur envie de voler de leurs propres ailes. »

PROJET D’ESPAGNOLISATION DES CATALANS
Car à nouveau le catalan, clé de voûte de l’identité catalane, se trouve dans la tourmente, au cœur du différend politique entre la région autonome et le pouvoir central espagnol. D’un côté s’aiguisent les revendications souverainistes ; de l’autre s’accroît la volonté de reprise en main et d’«espagnolisation» des Catalans, pour reprendre l’expression du ministre de l’éducation. Le projet de réforme de l’éducation actuellement en débat à Madrid prévoit de rendre optionnel l’enseignement du catalan, alors qu’il est devenu, après une longue reconquête, la langue principale d’enseignement, à côté du castillan.

À 90 ans, Roser Bofill n’imaginait pas revivre ces menaces. Elle se remémore comment, il y a soixante ans, en plein franquisme, elle créa une école pour ses trois enfants et quelques-uns de leurs cousins et amis. Combien elle devait ruser pour enseigner en catalan. Elle reprit à l’époque le flambeau de ses parents, qui eux-mêmes avaient épousé le courant réformiste catalaniste né au début du XXe siècle.

« À l’époque, il y eut une éclosion d’écoles de type Montessori qui voulaient, dans le sillage du grand mouvement de renaissance culturelle catalane, totalement rénover la pédagogie. On parlait d’école “vive” », explique Roser. Cette école « vive », étouffée sous la dictature du général Primo de Rivera, puis sous celle de Franco, n’eut de cesse de revivre tel le feu qui couve. Elle fournit, lors de la transition démocratique, les ingrédients pour la reconquête du catalan avec l’école pour principal levier.

QUARANTE ANS DE NORMALISATION DU CATALAN
« Dans les années 1960-70, avant la mort de Franco, des milliers d’enseignants ont suivi des formations l’été pour que le modèle d’école publique catalane soit prêt lorsque adviendrait la démocratie », rappelle la pédagogue Angel Prat, qui participa avec le sociologue Jordi Vives à l’avènement de l’école catalane. « Aucun maître ne savait enseigner ni même écrire en catalan. On a mis vingt ans pour recycler tout le personnel enseignant », poursuit la pédagogue. Comme le rappelle Roser Bofill, dans sa jeunesse, « on parlait catalan à la maison, comme tout le monde, mais ce droit s’arrêtait au pas de la porte. On écrivait en castillan, l’école était en castillan, on priait en castillan. »

« Aujourd’hui on peut vivre en catalan en Catalogne. Cette renaissance linguistique est exemplaire», souligne le sociolinguiste Henri Boyer, de l’université Paul-Valéry de Montpellier. Ce fut possible grâce à un « profond mouvement social », « un effort collectif énorme pour normaliser la langue » et souvent « un soutien de l’Église », argumente Jordi Vives, « et parce que la société réclamait le catalan, y compris les immigrés qui en avaient compris l’intérêt pour leur intégration et leur ascension sociale ». Aujourd’hui, cette société est piquée au vif.

MARIE VERDIER (à Barcelone)

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